Une nouvelle chronique de Jean-Louis Larochette-Prost soulève une question intéressante : quelle différence entre un roman pour la jeunesse qu'on étudie au lycée... et un roman pour la jeunesse qu'on y étudie pas? Entre, disons, Golding et Dalens? Et que penser des lycéens qui attendent une littérature qui ne vient pas, une qui leur parlerait?
Ne nous faisons pas d’illusions, les romans de Serge Dalens ne figureront probablement jamais au programme des collèges et lycées, quoique la littérature pour la jeunesse entre à nouveau – au compte-gouttes – dans certains établissements scolaires. Cela dit...
Récemment, une lycéenne de quinze ans m’a montré la liste des lectures conseillées par les professeurs d’un lycée privé sous contrat, à Lyon. Parmi les titres, « le Bracelet de vermeil » et les suivants. Devant mon étonnement, la jeune fille m’a expliqué que son professeur de français reconnaissait la valeur de l’œuvre en question ; valeur littéraire d’abord, morale ensuite. Dans un lycée d’obédience catholique, il n’y a là rien de si surprenant, au fond. Précisons tout de même que les enseignants conseillaient des ouvrages très différents, notamment des titres plus récents, français, anglo-saxons, etc.
Les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes me demandent parfois pourquoi les romans pour la jeunesse ne sont pas étudiés en classe. Je réponds alors en paraphrasant Denise Escarpit, dont je cite ici textuellement les propos (extraits de son article « Littérature d’enfance et de jeunesse » - dans le Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas, 1987) : « Il s’agit de pré-romans, de récits dont l’humour et la fantaisie sont souvent les ressorts, mais qui, en raison de leur structure trop linéaire, de la simplicité de leur intrigue, ne peuvent être assimilés au genre du roman. » J’ajoute ensuite que je ne partage pas cette opinion, du moins pas entièrement : Il est vrai que l’humour et la fantaisie caractérisent la plupart des romans pour la jeunesse, mais combien d’autres brillent par leur profondeur, la complexité et l’intérêt de leur intrigue ! Le Prince Éric, naturellement. Mais je pense aussi, pour ne prendre que deux exemples, aux « Gars de la rue Paul » de Ferenc Molnar et à « Sa Majesté des mouches » de William Golding, qui apportent un sérieux démenti aux propos cités plus haut. Le roman de Golding fait même encore l’objet d’études sociologiques dans certaines universités européennes ! Voilà deux ouvrages que je proposerais aux lycées et collège... si j’étais ministre de l’éducation. Sans pour autant renier les classiques indispensables à la culture générale, cela va de soi.
Mais revenons à la « structure trop linéaire », c’est-à-dire ce qui concerne un schéma narratif à sens unique, dis-je pour simplifier : d’un moment du passé à un autre, plus ou moins tardif. De même avec les péripéties : on suit généralement les faits dans l’ordre de leur apparition. Je cherche encore – en vain – ce qu’il y aurait de négatif dans cette structure, attendu que neuf dixièmes des romans (pour adultes ou pour la jeunesse) en sont dotés sans que cela ne leur nuise d’aucune manière, sauf, peut-être, aux yeux de quelques intellectuels convaincus que ce qui plaît au plus grand nombre est par définition médiocre. Pour ces gens-là, tout succès est douteux, à plus forte raison s’il concerne des œuvres orientées vers la jeunesse, ce monde qu’ils affectent souvent d’ignorer, voire de mépriser, probablement parce que « rares sont ceux qui ont cherché dans leur enfance les racines de l’adulte qu’ils sont devenus », je cite à nouveau Denise Escarpit.
a suivre
Jean-Louis Larochette-Prost
Voici un extrait de blog d'un prof qui conseille des SDP à ses élèves
http://natlyve-hg.blogspot.com/2007/06/voici-quelques-romans-en-relation-avec.html
Rédigé par : Loup | 18 août 2009 à 18:12