(résumé du billet précédent : l'art édifie, la musique édifie, le Signe de Piste édifie. Le Signe de Piste a-t-il une intelligence musicale? Pas vraiment lors d'un premier inventaire: la musique est un décor, un vernis, et lorsqu'elle est plus que cela, elle est l'invitée obligée, parfois aimée, parfois belle, de formes sociales qui visent à changer un peu de la sempiternelel patrouille du SDP-roman scout. La musique facteur et acteur de la maturité des personnages, elle, s'est cachée. Dalens semble avoir transcrit un jour une intuition du haut rôle de cette dernière... mais sans suite).
Bref, comme je le disais plus haut, c’est décevant. On peut, pour constater les dégâts, hiérarchiser les rôles que peut jouer la musique dans les aventures d’un héros du Signe de Piste. Je vais du plus bas au plus haut.
1°) rôle de représentation : il y a un rang à tenir, un niveau à manifester : c’est le prince Eric qui va à l’opéra (boum !) ou qui joue de l’orgue à un enterrement. (Il y a aussi le « rôle mélo » de l’épisode, je n’insiste pas). C’est aussi l’auteur qui prouve qu’il connaît le minimum syndical en matière de musique classique. L’aventure peut se dérouler sans cela, le rôle de la musique est purement décoratif.
2°) rôle social extérieur : la musique est un contexte ou un prétexte permettant l’aventure : c’est Foncine et Dalens dans « 2 et 2 font 5 », où l’on se contrefiche bien de musique. Elle est ici nécessaire ; mais les contextes sont interchangeables ; la manécanterie aurait pu être une troupe de scouts en camp d’été.
3°) rôle social intérieur : la musique est la raison d’être d’une société adolescente ; les interactions entre personnages ne n’expliquent plus sans elle. Je vais muer. Je suis le soliste. Je prostitue mon art. Je vis sous les hautes voûtes et les vapeurs d’encens. C’est elle qui crée la tension : « le chant du loup » de Philippe de Baer alias Bruno St Hill. On parle ici, contrairement aux autres degrés, de la pratique musicale.
3bis°) une autre forme de rôle social ; appelons-le rôle « organique ». La musique, un type très particulier de musique, est une composante indispensable du fonctionnement de la société et de la vision du monde promue par l’auteur. Pas de journée sans vêpres, et pas de vêpres sans chant polyphonique. Car le monde idéal pour Labat est celui d’une chrétienté où le culte divin, le *beau* et *complet* culte divin, serait au centre de la journée, et donc de la vie de la société. Corollaire : la société respire comme un seul homme : tous *sont* nécessairement croyants et, en ce sens, la musique est un organe du corps social. Il n’est plus tellement question ici d’expérience spirituelle, au demeurant, mais de nécessité politique, de condition nécessaire de l’existence d’une société (de moines-soldats) – donc de l’aventure qui est déroulée pour les personnages.
4°) rôle mutuel : une amitié est renforcée par l’écoute et l’appréciation partagée d’une musique. C’est le cas avec une écoute de la Pastorale, je ne sais plus chez quel auteur. Foncine ? Serait-ce le héros des « Forts et des Purs » avec son grand frère ? Je ne me souviens plus vraiment. Le point est en général capital pour l’intrigue.
(la suite prochainement)
Merci pour votre analyse
Il y a encore bien des choses à ajouter sur la musique dans le signe de piste notamment avec certains ouvrages où la musique est au centre : Pension Cranach, l'impossible accord.
Pour la pastorale, c'est Opération Préludes de Jean d'Izieu.
La musique est aussi un révélateur dans Conrad
Rédigé par : Loup | 13 mai 2009 à 12:00