Très objectivement nous aurions dû être
déçus ; notre enthousiasme de lecteurs abusivement attisé par l'imagination du
conteur aurait dû éprouver une cruelle déception face à la réalité banale de
tous ces lieux à peine pittoresques. Et pourtant à chaque découverte c'est
comme si nous étions enfin arrivés. J'ai compris alors que nous avions
rendez-vous avec notre propre aventure et notre vie réelle tout simplement. Ces
vestiges ou ces panoramas, comme des miroirs, nous renvoyaient l'image de notre
vie. Cette croix, ces ruines, ces grottes c'étaient celles de nos jeux. Ces lieux étaient exactement les lieux par
lesquels nos vies d'adolescent avaient pris une telle intensité. Ce que nous
percevions c'était l'âme du Pays Perdu, l'âme de l'aventure.
À l'azimut, nous avions pénétré par le nord
dans le massif de la serre. La nuit tombait et le vent s'était levé. La Chance
au Roy se cachait quelque part dans l'obscurité et c'est au matin que nous
devions découvrir les ruines du relais. Nous avions dressé notre bivouac au cœur
de la forêt sombre et le monde entier se réduisait à notre feu et au
mugissement du vent dans les arbres. Le cavalier mystérieux était-il passé dans
la nuit ? Certainement car tous ces lieux que nous découvrions appartenaient
depuis longtemps à notre terrain d'aventure, nous étions en pleine aventure.
À Malans nous avions eu la chance de
rencontrer Jean Louis Foncine et nous avions retenu le principe d'un jeu inter
troupe. Jean Valbert (qui était prêtre) nous disait la messe. En visitant notre
petit camp dans le verger il était tombé en admiration devant le four que
j'avais construit. En revanche, nous avions juste aperçu Serges Dalens qui
n'était que de passage. En quittant le Pays Perdu nous savions que nous y
retournerions pour notre prochain camp. Nous avions déjà en tête tout le
programme : les jeux, les raids, les explo, la descente de rivière. Toute
l'année suivante nous avons vécu par anticipation cette nouvelle aventure.
Le camp d'été suivant la troupe campait
près de Moissey sur le site de l'ancienne concasserie, au débouché du talweg de
la croix Boyon. L'aventure continuait, l'aventure scoute ne cesse jamais pour
celui qui sait garder son âme et son regard d'enfant simplement à ce camp-ci
nous avons très fortement ressenti que nous écrivions un bout d'histoire par
notre aventure… exactement comme si JL Foncine s'était inspiré de notre camp
pour écrire le Pays Perdu. Merci à tous nos anciens, merci à tous ceux qui ont
su transmettre le flambeau au cours des temps, merci à tous ceux qui ont su
garder leur âme d'enfant.
François Villars
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