L’édification du lecteur, au sens noble, est une des caractéristiques de la collection Signe de Piste : il s’agit de prendre le lecteur, de lui apporter quelque chose, de lui faire sonder des profondeurs qu’ils ne soupçonnait pas. Toutes proportions gardées, la fréquentation d’œuvres artistiques, et musicales au premier chef, procède d’une manière analogue. Alors, le Signe de Piste et la musique classique fonctionnent-ils de concert ?
Force est de constater que la moisson est bien maigre lorsqu’on se prend à chercher les épisodes musicaux dans la collection. C’est même décevant. L’une des stars de la collection, Foncine, ne parle pratiquement jamais de musique : trop occupés à évoluer en plein air, les héros de Foncine ne fréquentent pas les salles de concert. Une autre star de la collection, Serge Dalens, qui consent plus souvent à faire vivre ses héros en intérieur, effleure le sujet par la biais de lieux communs. C’est même une véritable compilation du genre « les chefs d’œuvre du classique » qu’il déroule. Abondance de « Peer Gynt » dans l’adaptation théâtrale du Bracelet de Vermeil. Ailleurs, on mentionne Finlandia… pour exalter la grandeur des sentiments patriotes ici exprimés. Il n’est donc question que de couleur locale ou d’idées ; la musique classique reste une décoration extérieure. On échappe de peu aux Quatre Saisons ou à la Petite Musique de Nuit.
Il y a toutefois une exception chez Dalens et elle est de taille : c’est dans la Tache de Vin, lorsque Jean-Luc joue « le prélude de Chostakovitch ». Il est question, si je me souviens bien, d’ambiance aquatique, d’un parcours obscur parmi des herbes marines ; bref, pour la première fois, Dalens sort des sentiers ultra-battus ; et décrit l’impression que peut faire un morceau de musique sur l’esprit. Ce sera, à ma connaissance, la seule. Le morceau n’intéresse pas tant Dalens qu’il ne donne ses références complètes. Chostakovitch a écrit plus d’une vingtaine de préludes et fugues pour piano, mais cette exploration sous-marine restera à jamais « le » prélude de Chostakovitch, faute d’en savoir plus. Les « Voleurs » ne parlent guère de musique ; quand aux romans historiques, ce n’est même pas la peine d’en chercher.
On trouve un peu plus d’implication, objectera le lecteur sagace, dans tout ce qui met en scène des petits chanteurs. Oui et non ; car la manécanterie est surtout, comme la patrouille scoute, un groupe d’adolescents où l’on trouvera le héros du roman. « Deux et deux font cinq » utilise les Petits Chanteurs à la Croix de Bois comme prétexte pour faire venir l’aventure jusqu’aux lecteurs : on voyage, on rencontre d’autres garçons, et quelques méchants, et c’est bien ainsi. Mais d’effet édifiant de la musique, point.
Il faut rendre toutefois justice à Bruno St Hill et à son « Chant du Loup » qui mène un peu plus loin l’exploration : pratique du chant, rôle du soliste, il y a là-dedans des moments où le chant est l’essentiel de l’action. La même chose pourrait être dite du « Manteau Blanc », où les héros sont tour à tour, selon l’heure de la journée, élèves, scouts, chanteurs sacrés ou servants de messe. Labat en connaît suffisamment pour citer tel motet de Van Berchem, déjà tarte à la crème à l’époque (il l’était encore chez les Pueri Cantores en 1997). Il ne s’attarde certes pas à décrire les rapports entre l’esprit et la musique qui est écoutée ; mais il mentionne, comme le retour d’un balancier, la participation périodique d’une manécanterie aux offices de la journée.
(la suite bientôt)
Un autre passage dans le cycle du Prince Eric (mais dans quel livre, je ne me souviens plus) : dans un chalet en montagne, Eric joue le Premier Nocture de Chopin. C'est en lisant ce passage que j'ai décidé d'acheter la partition et d'apprendre le morceau...
Amicalement
Rédigé par : Dominique | 20 août 2009 à 15:37