Quelques rares lycéens de ma connaissance se sont vu proposer des listes de lecture comprenant des romans destinés à la jeunesse, comme « le Prince Éric ». Certains professeurs sont donc ouverts à cette littérature, contrairement à d’autres qui la considèrent avec une condescendance obligée dans le meilleur des cas et un mépris farouche dans le pire. Leur argument : « Ce n’est pas de la littérature ». Entendons par là « de la bonne, de la vraie littérature ». Les grands lycéens se plaisent alors à demander sur quels critères se fondent les professeurs pour décréter ce qui est « bon » ou « vrai » dans ce domaine et la réponse la plus fréquente se réfère à la prétendue légèreté et au prétendu manque de profondeur de ces ouvrages. D’audacieux élèves répliquent – et je les soutiens sans hésiter – que la « grande et vraie littérature, (celle des programmes scolaires et universitaires), contient certainement la même proportion de « mauvais livres » que la littérature pour la jeunesse ; ce que les écoliers et les collégiens n’osent ou ne savent pas encore répondre.
Dans les classes, à ce sujet, les débats tournent court, car les professeurs n’ont guère le temps de s’écarter des programmes, ce que chacun peut comprendre, mais aussi hélas ! à cause d’un refus d’ouverture assez navrant, qui ne fait d’ailleurs que braquer un peu plus les adolescents contre les livres, quels qu’ils soient.
Heureusement, il y a encore des professeurs, jeunes et moins jeunes, qui ont compris l’importance, la valeur et l’utilité de la littérature pour la jeunesse, celle qui a permis et permet encore à la jeunesse de lire, tout bêtement, lire… Qui a permis et permet encore de découvrir d’autres horizons, de favoriser l’imagination, de donner des références. Et le rôle d’un enseignant n’est-il pas avant tout d’ouvrir des portes, de donner des pistes, de transmettre le goût de la découverte ?
Je connais un jeune homme qui, il y a quelques années, a découvert « le Prince Éric » par hasard. Il en a parlé à son prof de lettres, qui lui a répondu à peu près ceci : « Lis-le, tu en tireras beaucoup, même si c’est quelque peu démodé et joliment fictif… comme l’Odyssée, le Cid, Dom Juan et bien d’autres monuments de la littérature. » Ne fît-il pas mieux que de se plaindre ?
À ceux qui se proclament juges de la littérature, à ces cuistres je réponds :
Pensez à ce gamin qui passait des journées à lire des aventures « pour la jeunesse » comme celles du capitaine Corcoran, d’Alfred Assollant. Il l’a très plaisamment raconté dans « les Mots » : c’était Jean-Paul Sartre.
Jean-Louis Larochette-Prost
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