Tous nos voeux de bonheur et de santé pour 2010 aux amis de la collection Signe de Piste, de ses auteurs, ses illustrateurs... et de ses éditeurs!
Voici la suite du texte de Jean-Louis Larochette-Prost sur le thème de l'enfance indépendante telle qu'elle figure dans certaines oeuvres.
Vus par les écrivains, les enfants et adolescents, au sein de leurs groupes, méritent l’attention, de par leur débrouillardise, leur audace, leur courage, leur ingéniosité et autres qualités. Par là, ils sont aussi remarquables dans leurs faiblesses, parfois leur cruauté et un sens de la justice qui leur est propre, fort souvent éloigné des conceptions rousseauistes de la vie en société. Pour les amateurs du Signe de Piste, le meilleur exemple est de toute évidence dans la Bande des Ayacks, de Jean-Louis Foncine. Je pense aussi aux Gars de la Rue Paul, de Molnar (malheureusement plus édité), à ma connaissance l’un des romans les plus forts quant aux thèmes de la justice, du sens de la parole donnée et de l’amitié entre adolescents, dont a été tiré un film en noir et blanc il y a bien longtemps. Je pense encore au puissant, profond et admirable roman de William Golding, Sa Majesté des Mouches [Lord Of The Flies], terrifiant à plus d’un titre si l’on pense que la société des enfants qu’il met en scène aboutit au retour à la sauvagerie la plus primitive. Le roman n’est pas optimiste, mais il est riche d’enseignements. C’est ainsi que parmi les principaux personnages, entre huit et quatorze ans, on reconnaît les figures types des sociétés en général, aussi bien chez les enfants que parmi les adultes : le savant qui instruit, le sage attaché à l’ordre et à la loi, l’innocent – figure christique –, le révolté, l’indifférent, le suiveur, le brutal, le meneur, et ainsi de suite. Mais, précisément, comme ces enfants sont loin de toute civilisation, de toute autorité, de toute référence, ils forment rapidement leur propre civilisation, du moins une microsociété où du jour au lendemain sont possibles tous les revirements. Le plus jeune (Percival) en vient à oublier son nom, tandis que l’un des plus âgés (Jack) devient un chef de tribu impitoyable et peu à peu dépourvu de la moindre compassion envers ceux qui ne le suivent pas. Dans ce chef-d’œuvre – un des rares romans lisibles par les jeunes et par les anciens – William Golding répond indirectement à Robert Ballantyne et son Récif de Corail, roman mettant en scène des jeunes dans ce qu’on appelle maintenant une robinsonnade, avec des héros également prénommés Jack et Ralph ! Avec Ballantyne, la jeunesse est exemplaire, sacrée, intouchable, noble, malgré deux ou trois écarts çà et là, mais sans gravité, rien qui puisse choquer le lectorat américain puritain. Avec Golding, mais aussi avec Foncine, Dalens dans une certaine mesure, la jeunesse est livrée toute crue, avec ses grandeurs et misères... Sans fioritures, sans affectation non plus, ce qui est très appréciable.
Je préfère l’apparente crudité – voire cruauté – des gamins de Foncine, Molnar et Golding, à l’invraisemblable mièvrerie de certains héros de romans pour la jeunesse qui sonnent faux. Mais c’est un autre débat, comme l’on dit. Maintenant, lisons ou relisons la Bande des Ayacks, il y a fort à en tirer, sans être sociologue, ni pédagogue, ni historien. Il y a surtout de quoi méditer sur l’enfance heureuse, celle qui va, qui fonce, quitte à se casser parfois le nez.
Je conseille aussi vivement la lecture du roman de Golding, (qui fait encore l’objet d’études sociologiques !) L’ouvrage est publié chez Gallimard Jeunesse sous le N° 447 (Folio Junior). Traduction (fidèle) intégrale.
En anglais : Perigee Book, chez Penguin (USA).
Ainsi que les DVD :
Sa Majesté des Mouches – Lord of the Flies, de Peter Brook (N & B 1963). VO avec sous-titres en français et/ou en anglais. Le plus proche du roman. (Janus Films & Carlotta Films 761 858).
Lord of the Flies – L’île oubliée (titre français), de Harry Hook (1990). VO et VF avec sous-titres en plusieurs langues. Malgré de très nombreuses libertés dans l’adaptation (les Américains...), l’esprit du roman est relativement bien respecté. (MGM – Castle Rock Entertainement 1619445 Z7).
Jean-Louis Larochette-Prost
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