Chez moi, une version de 1945, des éditions Alsatia, se tient bien au chaud entre un roman de Dalens et un autre de Foncine. Des pages jaunies, des illustrations en noir de Joubert... Nostalgie... Je feuillette et les images reviennent : un jeune adolescent apprivoise une panthère après lui être venu en aide et plus encore, lui avoir sauvé la vie.
Un conte, je ne sais pas. Ici, l’invraisemblable est mesuré ; de toute manière, on croit à cette histoire attachante où l’amitié entre un enfant et un animal « assied » tout le roman. Il commence par une sorte de robinsonnade – le garçon perdu dans la jungle – et se termine par un épisode aussi inattendu que dramatique.
Je ne résumerai pas cette histoire, désireux de laisser l’eau à la bouche aux futurs lecteurs, mais aussi à ceux qui ont oublié ce magnifique roman. Je me contente d’égrener des impressions, longtemps après la première lecture.
Jacques et Fleur-des-Sables deviennent inséparables, contre toute attente. Pensez ! Un garçon désarmé et un félin chasseur ! La rencontre est admirablement mise en place, avec lenteur, mais sans ennuyer le lecteur d’aucune manière. L’auteur avance – et nous avec lui – par petites touches. Avec pudeur, une touche de poésie, Larigaudie nous donne à voir la naissance de cette relation improbable entre le garçon et la panthère. Il y a quelque chose de magique dans les mots, les tournures, la narration ciselée. Les rebondissements arrivent toujours au moment importun, sans affectation. Nous vivons l’aventure avec Jacques, nous avons envie de caresser Fleurs-des-Sables, de lui parler, de nous sentir bien en sa compagnie. Nous envions le héros, qui ne semble même pas enorgueilli par ce qu’il a réalisé.
Où trouver des failles, dans ce roman-là ? Je verrais peut-être – et ça n’engage que moi – un soupçon de naïveté dans certains passages mettant les scouts en scène. Il faut alors se rappeler que le roman a été écrit à une époque où le scoutisme était très florissant. Cela peut expliquer quelques élans joliment maladroits de l’écrivain, dont le style et la verve narrative sont par ailleurs irréprochables. Sans parler de l’humour dont l’auteur fait preuve ici et là, ce qui égaye utilement l’histoire.
Larigaudie a réussi : moi qui ne m’intéresse pas particulièrement aux animaux, auxquels je fiche donc une paix royale, eh bien ! je me suis régalé de suivre les traces de Jacques et de sa panthère ! L’auteur m’a fait aimer tendrement le bel animal et admirer l’audace, la générosité et le désintéressement de son jeune maître.
Il faut donner ce roman à lire aux jeunes. C’est une œuvre saine, réconfortante, malgré sa fin tragique. Elle nous emporte dans un univers très différent du nôtre, si violent, cruel et injuste. Elle nous donne à aimer, toujours aimer, sans calculs, sans arrière-pensées. N’est-ce pas essentiel, dans la collection Signe de Piste ?
Jean-Louis Larochette-Prost
NB : en vente chez Delahaye, collection "cabestan" :
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