Notre excellent confrère Pierre Schneider nous ayant faire parvenir une analyse fouillée du dernier ouvrage d'Yves Taillefer, nous vous la livrons telle quelle, car pour paraphraser certains fâcheux d'avant-guerre que Joubert ne connaissait que trop bien alors, tout ce qui est Signe de Piste (ou feint de l'être) est nôtre... :-)
Die Hard chez les SUF, et un Signe de Piste en guise de prologue.
"Le deuxième jeu" et "Iaume le preux", par Yves Taillefer, Paris, 2007.
Écartons d'emblée les affirmations de l'éditeur qui présente ce roman en deux tomes comme "magnifique, plein de force et de poésie", ayant "déjà [sa] place aux côtés des classiques de la collection Signe de Piste : […] Dalens, […] Foncine et […] Valbert". Ce n'est que partiellement vrai et c'est à nous, aux autres lecteurs, au temps, de décider.
1°) l'histoire
Iaume (diminutif de Guillaume) est un scout aîné, second de patrouille puis CP, travaillé par un désir de bonheur et d'absolu qu'il ne parvient pas à nommer encore. Iaume est également travaillé par sa petite acédie personnelle. Rien de grave : il est trop vieux pour les scouts, qui sont puérils (au mieux) et inintéressants. Bref, pesanteur et grâce, exil et royaume.
Au cours d'un grand jeu, alors qu'il tente de faire le malin, Iaume connaît une "near life experience", un de ces moments où le monde s'élargit, où l'esprit semble s'éveiller d'un sommeil séculaire, où parfois les cohortes angéliques descendent sur leur char de feu, à pleines trompettes et où un rayon de gloire divine se pose sur les hommes. Ces moments, d'intensité et de durée variables, l'auteur les appelle "le royaume", les théologiens l'appellent "consolation" et autres jolis termes similaires. L'auteur en a sans doute connu et en dote Iaume généreusement.
Dans "le deuxième jeu", le premier des deux tomes, Iaume en a assez des scouts et sent que la dernière médaille en chocolat qu'il n'a pas, le grade de CP, lui sera refusée de toute façon. Rien ne le retient plus dans un camp trop étroit pour lui et dans des grands jeux qu'il abhorre. Il a vu que le scoutisme pouvait, par accident, lui montrer la porte du royaume ; il a aussi compris que le scoutisme ne pouvait pas la lui faire franchir. Iaume choisit logiquement le bien supérieur, le Royaume, et fugue du camp.
Dans "Iaume le preux", le tome second, notre héros est devenu CP contre les attentes. Il se retrouve encore dans un de ces grands jeux qu’il abomine. Pire, il doit cette fois faire le CP, entraîner sa patrouille dans des gamineries auxquelles il ne croit plus. Il doit feindre et n’a pas le cœur à cela. Il est de surcroît écrasé par trois modèles : Geoffroy, son ancien et médiocre CP de l’année passée, Guil, son premier et brillant CP, et Philippe, son ennemi intime, le CP d’une patrouille rivale, lisse, léché, sans défaut et sans âme. En bref, ce qu’il doit éviter d’être, ce qu’il doit aspirer à être, et ce qu’il ne veut pas être.