Reçu le message suivant d'un de nos fervents lecteurs parisiens, avec preuve à l'appui:
"L'hiver des Innocents" est désormais une "préférence La Procure" !
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Le page d’un roi franc de Jérusalem tant épris de loyauté qu’il en devient lépreux pour son maître. Une fraternité secrète d’adolescents qui mêle son sang dans une chapelle templière et meurt dans une embuscade au cours de la dernière guerre. Les fils d’un aventurier exilés de leur voilier polynésien qui fuguent. Un gamin allemand évadé et recueilli par la jeunesse d’un village dont les parents sont morts en camp de concentration. Un adolescent nostalgique qui entraîne son entourage a vivre au temps des croisades et à partir délivrer Jérusalem. Le fils d’un juge pour enfants, saisi de rancœur contre l’un des prévenus de son père, qui est aussi son chef de patrouille. Des raiders partis se réconcilier avec leur passé et qui en viennent aux mains, voire au fouet.
On l’aura compris, la collection Signe de Piste nage dans le romantisme jusqu’au cou. Je voudrais, dans cet article, préciser ce qu’est ce romantisme de romans pour adolescents et souligner notamment par quoi il se caractérise et en quoi il diffère du courant artistique qu’illustrèrent un Chateaubriand, un Hugo, un Berlioz ou un Chopin.
Nous évoquerons bien sûr le maître en la matière, Serge Dalens, qui raconta sans hésiter la vie d’un homme d'état scandinave bien connu de nos lecteurs (non, pas Olof Palme). Beau gosse débarqué en France dans le seul but de tuer un garçon de son âge (13 ans), le prince Eric en tombe vaguement amoureux à la place, puis, victime de ses sentiments, le tue un peu quand même, tente de se suicider, échoue, rentre chez lui, déjoue deux révolutions de palais en faisant faire le sale boulot par son page, va brancarder à Lourdes, guérit des malades en les touchant de sa main, enterre son sosie orphelin mort de la tuberculose puis part faire la guerre en France et meurt bêtement, laissant inconsolées d’innombrables bourgeoises qui en auraient volontiers fait leur gendre. Et ça, c’est juste une partie de la production d’un des phares de la collection, qui ne doit pas faire oublier que d’autres auteurs n’ont, eux, absolument rien à voir avec le romantisme.
Sturm und Drang dans une des séries les moins romantiques de la collection
Dans son sens historique, le romantisme est un courant artistique, surtout littéraire et musical mais aussi pictural (Caspar David Friedrich) qui privilégie l’expression du sentiment individuel et de l’émotion par opposition au goût de l’époque précédente, classique, bien plus collectif et prisant l’ordre. Historiquement, le romantisme est une chose apparue dans ce qui tenait lieu d’Allemagne au début du 19ème siècle ; ses prémisses s’appelaient « sturm und drang » (Haydn, Goethe), ce qui souligne que le romantisme a toujours été identifiable par la présence de quelques images : le héros jeune, solitaire et sentimental, la nature sauvage, l’histoire et tout particulièrement le moyen-âge, l’irrationnel, la religion, la rêverie, lanuit, les pulsions, la souffrance, parfois la dynamique du groupe, de l’équipe, voire de la nation. Bien que de source allemande, le romantisme a facilement pris racine dans une France lassée d’un classicisme reconstitué, à l’antique, tonitruant et rigoriste, imposé à tous durant toute la période révolutionnaire.
Coin de patrouille, modèle 1830.
Le romantisme, qui n’est pas une école, n’a pas de maître ni de manifeste, se reconnaît donc à la présence des éléments que nous avons mentionné ci-dessus. Les deux Faust de Goethe en sont un exemple probant : sabbat de sorcières la nuit de Walpurgis, solitude et taedium vitae de Faust qui trouve la chair triste et a lu tous les livres, irruption du diable comme personnage de théâtre, final grandiose et philosophique dans une thébaïde de montagnes et de cavernes, rupture absolue des conventions théâtrales classiques – ce qui n’empêche pas d’ailleurs le second Faust de receler aussi force traits classiques.
Ce que le Signe de Piste retient du romantisme, sans que cela fasse partie d’un plan conscient partagé par les auteurs, pourrait être résumé par cette devise qui fut tout d’abord écrite au sujet d’un groupe de rock : énergie, intensité, éclectisme. Les romans de la collection sont entièrement faits d’action, et d’action qui ne chôme pas – comme le meilleur rock’n roll. Les enjeux en sont toujours immenses, quand bien même ils seraient vus à travers la loupe que sont les yeux d’un adolescent. Le temps de quelques pages, découvrir le secret de ce gars qui vient d’entrer dans ma vie devient mon unique préoccupation – dans une vie qui ne se préoccupe pas encore de salaires, de dépression ou de traites.
L'esprit Signe de Piste traduit en une couverture
Le romantisme du Signe de Piste a une forte couleur vitaliste : c’est l’éclosion du moi, l’envie de s’affirmer comme un homme libre, de laisser enfin sa trace dans le monde. Tout est vécu avec plus de force, comme pour le première fois : ce que l’on aime, ce que l’on construit, ceux avec qui on vit, les lois selon lesquelles on veut vivre, et déjà ce que l’on transmet. Cette expérience est présentée positivement, elle vaut la peine d’être vécue le plus intensément possible voire le plus extrêmement : on comprend vite à demi-mot que quelques années plus tard, la flamme sera sous le boisseau ou éteinte. Il n’y a pas de temps à perdre : donner tout, tout de suite.
L’adolescent du Signe de Piste n’a qu’un temps très limité pour réaliser quelque chose de valable de sa vie : après vingt ans, il n’en aura plus ni la possibilité ni l’énergie. Les romans du Signe de Piste sont les livres du pic de l’existence. Il n’y a pas de personnage d’adulte réussi et crédible dans la collection. Et il n’y a pratiquement pas de bornes au déchainement de cette énergie, parfois peu contrôlé : le Glaive de Cologne confine à l’hystérie, les différends des Forts et des Purs se règlent au fouet. Dans les Compagnons de la Loue, les héros sauvent des villageois d’une innondation. Dans la Bande des Ayacks, c’est une bataille rangée entre deux bandes de jeunes, qui ferait la une des journaux et mobiliserait deux cars de CRS à notre époque. Jimmy ? Un loubard roule sur un autre et l’envoie sur un fauteuil roulant. La Plaine Rouge ? Du corps à corps avec un poignard à la main. Récemment encore, dans La Dague et le Foulard, un Français et un Allemand font connaissance dans les années trente, se détestent, s’adorent, font de l’alpinisme ensemble, puis partent à la guerre (ah, cette obsession de la seconde guerre mondiale et de l’Allemagne) et meurent l’un en face de l’autre. Post-modernisme et second degré, sans aucun doute – le roman a été publié cette année –mais les thèmes ont la vie dure.
Oui, c'est de toi que je parle
Certains auteurs sont au demeurant plus vitalistes que romantiques : Larigaudie, Ferney, Foncine, Leprince sont les noms qui me viennent à l’esprit. D’autres sont en revanche totalement romantiques, peut-être trop: Paul Henrys est emblématique de cette tendance et Dalens lui-même la frôle à plusieurs reprises. La plupart mélangent les deux.
Il y a donc l’énergie joyeuse, la simplicité, la franchise des sentiments, une forme d’existence non dégradée à la base de la collection. Tout cela est indéniablement romantique ; mais c’est un romantisme passé au filtre du jeune âge. On ne trouvera pas ou très peu, dans le Signe de Piste de sorcellerie, d’élégie, d’humeurs nocturnes ou d’onirisme. Il ne sera pas question de destin national. Le temps qui passe ne sera pas un poids : le héros adolescent ne se rend pas compte qu’il en a peu et que le reste de sa vie sera un marécage. Mais il est d’un goût exquis de mourir le jour de ses dix huit ans, voire avant. Pensons sans rire au cul de pat du Signe Dans La Pierre : c'est l'auteur qui parle plus que ses personnages. Lanature est prisée car elle permet le déploiement de cette énergie de la jeunesse et surtout l’éloignement du monde des adultes ; elle n’est pas en revanche ce lieu de forces inconnues et de divinités indifférentes qu’on peut trouver dans le romantisme littéraire, jusque dans les opéras de Wagner.
Point non plus de retour sur soi, d’introspection, de mal du siècle : les héros de la collection le possèdent, le siècle !L’honnête homme classique, hérité de Montaigne, n’est pas décrié ou diminué, il est simplement ignoré : il semble qu’on ne sache pas même jusqu’à la possibilité de son existence. L’histoire est prisée mais comme le pourvoyeur d’un dépaysement plus que comme le lien avec la communauté des temps disparus. Les ruines ne sont pas honorées, sauf à vouloir les faire revivre. Les raiders de Foncine montent à Montségur non pour y archéologiser mais pour le faire revivre autour d’eux.
S'il y a des cheveux au vent, c'est du romantisme
On retrouve ainsi plusieurs thèmes dérivés de ce grand romantisme du 19ème siècle dans la collection Signe de Piste, suffisamment souples pour se transcrire sans grand changement sous la plume d’auteurs variés. Il y a donc un réelromantisme du Signe de Piste, qui possède des caractéristiques propres. Il est vitaliste. Il est fréquemment au-delà de la morale. Il n’est ni morbide ni étrange ni méditatif mais au contraire se plait dans ce qui vit, qui est fort, qui grandit, qui s’affirme – et très souvent qui partage et fait profiter le monde de sa surabondance. Néanmoins, il n’y a pas de romans dans la collection où l’on peut prétendre qu’un héros a changé le monde : l’élan vital peu canalisé des personnages de la collection ne se fait sentir que dans un petit cercle au mieux, comme une manière de rappeler que ces efforts, ce déploiement instinctif du moi adolescent feront rapidement long feu et qu’il n’y aura bientôt plus d’élan du tout.
C’est là une des raisons qui poussent à consigner sur le papier des instants vus a posteriori comme éphémères et qui n’ont jamais d'implication politique ou sociale – des trucs d’adulte pas très romantiques. Le romantisme du Signe de Piste est donc bien l’image d’un bref flamboiement adolescent que l’on sauve de l’oubli. C’est un romantisme d’adultes nostalgiques du romantisme, presque un sortilège, la conjuration espérante d’une époque d’abondance, de force et de nouveauté partie à jamais et dont on doute qu’elle ait vraiment existé – en tout cas pour soi. Comme pour les meilleurs groupes de rock (« hope I die before I get old »), les thèmes de la jeunesse, de l’énergie, de la vitesse en sont les formules magiques.
(tiré du blog de Pierre Schneider avec la complicité de son auteur)
Rédigé à 19:25 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Avec le printemps sont arrivées les nouvelles parutions de la collection Signe de Piste, avec pas moins de six nouveaux titres. Une cuvée exceptionnelle, où se côtoie nouveaux auteurs et classiques du roman de jeunesse.
Tout d’abord l’Hiver des Innocents, d’Alain Jamot.
Après avoir écrit sur le Signe de Piste dans ses précédents ouvrages (l’intégrale Joubert, l’Aventure scoute, La jeunesse et la force…), Alain Jamot nous livre cette fois un vrai Signe de Piste, dans l’esprit des Rubans Noirs d’autrefois destinés aux aînés : problématique actuelle, lyrisme noir, action, style moderne, voilà un roman qu’aurait sûrement apprécié Pierre Labat ou Jean-Louis Foncine.
Le Tigre et sa panthère, de Guy de Larigaudie.
Sans doute le plus beau roman de Larigaudie, avec L’îlot du grand étang. On y retrouve toute la fraîcheur de l’auteur de Yug, cette inimitable atmosphère d’avant-guerre, quand le scoutisme incarnait vraiment l’aventure et le rêve. L’histoire n’a pas vieilli, et je défie quiconque de ne pas verser une larmichette arrivé à la dernière page.
Ce volume comprend également La frégate aventurière, un mini-roman scout épatant, qui n’a pas pris une ride.
Le livre de la jungle, de Rudyard Kipling
Est-il besoin de présenter encore ce livre ? Cette édition, illustrée par Pierre Joubert lui-même, n’est qu’un juste renvoi d’ascenseur : sans Kipling, les premiers auteurs du SDP n’auraient sans doute jamais écrit comme ils l’ont fait.
Et puis, une version compacte et pratique comme celle-ci trouvera sa place dans le sac de toutes les Akela, pour lire à la veillée…
Kraken ou les Fils de l’océan, de Thierry Rollet.
Un beau roman d’aventure sur la mer, comme la collection les a toujours aimés. Un texte publié il y a trente ans, dans feu le Nouveau signe de piste, prix des moins de vingt-cinq ans, et qui plaira à tous les adolescents qui rêvent d’aventures d’autrefois. Le jury du prix avait vraiment bon goût, et savait déceler les talents.
La ménagerie, de Georges Ferney.
Pour les aficionados du roman scout, la réédition d’un ouvrage introuvable de l’auteur de Fort Carillon, où bien avant les Voleurs de Serge Dalens, sont évoquées la délinquance juvénile et sa possible rédemption par le scoutisme.
Outre une couverture très dynamique de Fabienne Maignet, la nouvelle illustratrice officielle de la collection, on retrouvera avec émotion les dessins originaux de Robert Gaulier.
Cap sur Sarrebruck, de Bernard Top.
Là aussi, un roman scout, suite du premier livre de Bernard Top, Le sentier du diable. Cette fois, sa patrouille des Castors devra affronter le mystère et un lourd passé car Tom, le dernier arrivé, à brusquement disparu.
Que cache-t-il ? Pourquoi ne pas faire confiance à ses frères scouts ? Et si toute la clé de l’énigme se trouvait là-bas, au-delà du fleuve… Un récit dynamique ancré dans l’Histoire.
Rédigé à 23:12 | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
(En vente sur carnet2bord)
Avez-vous une impression de déjà vu devant la couverture de « la dague et le foulard », le premier Signe de Piste d’Alain Brébant ? Moi oui.
Lorsque vous lisez le résumé au verso, ressentez-vous comme l’impression d’une mélodie familière ? Moi oui.
Lorsque vous feuilletez les pages et tombez sur une des illustrations, vous semble-t-il retrouver quelque esprit des dessins de Pierre Joubert dans les années 50 ? Moi oui.
Il flotte en effet comme un petit air d’hommage dans « la dague et le foulard ». Mais quelques mots sur l’histoire, d’abord. C’est la fin des années folles, à Paris. Arnaud est lycéen, Wolfgang fils d’un général allemand qui a tenu en respect les poilus à plusieurs reprises.
Bref, le « sale Boche » dans toute sa splendeur. Pire que ça : bavarois, culotte de cuir comprise. Il ose être blond, pas souple et pas très ouvert. Identitaire avant l’heure. Zyva, révolution conservatrice en force, yo !
Or donc notre Wolfgang identitaire se retrouve, costume folklorique compris, dans la classe d’Arnaud, fils du général rival (quel hasard…) On s’en doute, les premiers instants ne sont pas franchement cordiaux. Toute la classe déteste le grand blond. Ce sont les Montaigu et les Capulet – et peut être pour cette raison cela vire-t-il au coup de foudre platonique : quelques chapitres plus tard, Arnaud et Wolfgang sont bons amis malgré leurs familles et leurs pays. Brébant le montre bien, d’ailleurs : le monde extérieur n’a aucune importance, presque aucune personne n’est nommée, même pas cet excentrique professeur qui aime taper sur les doigts des élèves avec sa règle.
Le temps s’écoule, la guerre approche et les deux inséparables se retrouvent chaque été. Ils ignorent la grosse brute nazie qui sert de frère à Wolfgang et s’adonnent à leur passion commune : l’alpinisme. Mais au fur et à mesure que les sommets tombent, les nuages s’accumulent et Wolfgang perd un peu les pédales. La guerre viendra certainement. Ils se battront. Que se passera-t-il s’ils se retrouvent face à face ? Bien entendu, ils se retrouveront parmi les armes – et vous saurez ce qui se passe si vous lisez « la dague et le foulard » jusqu’au bout.
On peut donc lire le roman comme une histoire d’amitié romantique emportée par la guerre… ou comme un hommage respectueux aux maîtres, aux leitmotive et aux obsessions de la collection. Les jeunes y liront une aventure tragique, les vieux y verront des correspondances ultra-référentielles. Avec le face à face de Christian et Waldenheim (Dalens), avec l’ascension de la Meije (JF Pays, « la montagne interdite »), avec les amitiés franco-allemandes orageuses (Foncine), avec cette mentalité de jeunesse qui claque comme un drapeau, pratiquement inconcevable de nos jours (Pierre Labat), et sans doute encore avec plusieurs autres passages.
Bref, une très moderne copie d’ancien…
P.Sch.
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Non pas mytho mais lu par tous les mythos
Et l’auto-citation nous amène au côté mytho souligné par Polydamas. Comme d’habitude, je ne serai pas entièrement d’accord. Une des caractéristiques du phénomène mytho, c’est d’être de seconde génération. Quand vous prenez un garçon de 2011, que vous le formatez en scout d’Europe (même avec les options –verbose –poil-ras –short-obligatoire –dizenier=yes –override-forbidden-rangers = bring-it-on ), vous n’en ferez pas un mytho. Il faut pour cela lui donner la référence culturelle, c'est-à-dire lui montrer ce qu’il faut reproduire ou mentionner. C’est un peu comme le Don Quichotte de Pierre Ménard. Porter un galurin au bord rabattu n’aura pas le même que le scout ait vu ou pas La 317eme section. On ne décide pas de devenir mytho, on est élu par eux. Souvenons-nous de Che Gevara.
Le Prince Eric ne peut pas être mytho parce que c’est lui qui a tout inventé. Le premier grand jeu avec enlèvement et bataille homérique rapporté dans la littérature – probablement dans la Bande des Ayacks – ne peut pas être mytho parce que c’est le premier. Mais tous ceux qui s’en sont volontairement inspirés le sont, eux. Matricule 512 est mytho. Le Signe dans la Pierre, de Paul Henrys, où un cul de pat’ se fait éventrer par un sanglier et meurt à l’hôpital entouré de sa patrouille qui récite le chapelet avec Le Bracelet de Vermeil sur la table de chevet, ça, c’est mytho. Mettre « tibi » à la fin des lettres, c’est mytho. Ce qui est mytho, c’est de jouer au Prince Eric, pas de l’être.
Ci-dessus : "QUOI? Cinq cent euros pour une clé USB?"
La jeunesse maltraitée et malheureuse
Une dernière qualité, c’est l’attention portée et l’accent mis sur l’enfance malheureuse. On pourrait imaginer que tous les personnages des Eric sont des surhommes en devenir, de préférence blonds et à particule. Erreur ! Grossière erreurmême ! Des gamins maltraités ou malheureux, il y en a des MASSES chez Dalens. L’Eric du Bracelet, infantilisé, manipulé dans une vendetta qu’on ne croit même pas utile de lui révéler. Ingve dans Le Prince Eric, potiche tuberculeuse dont les adultes exploitent honteusement les mois qui lui restent à vivre. Dans la Tache de Vin, c’est Remi mais aussi Jean-Luc, défiguré, qui ne peut avoir une vie sociale normale alors qu’il a tout pour cela. Loin des Eric, tout le cycle des Voleurs ne cesse de parler de jeunes délinquants que pour mettre en lumière, l’espace d’un volume, le fils du juge mal dans sa peau. Le héros de la série est quant à lui pratiquement orphelin et finit sur un fauteuil roulant. Etait-ce cela, la littérature de jeunesse des années 40 ?
Ci-dessus : les Loups à Berlin avec quelques Allemands de passage
A SUIVRE
Rédigé à 21:27 | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Ci-dessus : "Tadek, il y a une *** dans mon potage"
Les adolescents pris au sérieux
La seconde qualité, c’est l’idéal de la société adolescente. J’ai dit hier que les prêtres n’apparaissaient pas : les adultes en général, guère plus. Ils sont là pour le strict minimum : accompagner leur progéniture à la gare, coordonner des recherches avec les gendarmes quand un scout disparaît, faire tourner un gouvernement… ou enregistrer une heure de décès. Toutes les fois qu’on peut se passer d’eux, on le fait. C’est ce qui rend la fin de la saga si tragique : les adultesfinissent par gagner. Ils rappellent que, si la fin des vacances ne suffit pas à ramener les pieds des adolescents sur terre et dans leur cage, l’âge et la majorité s’en chargeront et présenteront la facture.
C’est dire que la société dont parle Dalens dans ces quatre volumes est une société d’adolescents. Le reste, ce sont des béquilles, cela ne l’intéresse pas. Même lors de la drôle de guerre où l’élément adulte devient incontournable, les principales scènes ne mettent en jeu que des soldats qui étaient gamins le mois d’avant. C’est le cas de tous les combats, de la cérémonie de fin d’année à Saumur, de la scène sur la plage de Dunkerque. Il faut noter à cet égard que Dalens, qu’on a vite taxé de militarisme, ne donne jamais une aussi mauvaise image du monde adulte que lorsqu’il est galonné. En témoignent l’altercation avec le sergent anglais et surtout la scène de bizuthage d’Eric lors de l’arrivée dans son régiment. Pour la seule fois ou presque le héros se met en colère : c’est la guerre au dehors et eux, ils ne pensent qu’à faire les cons avec leur « tradition » !
Ci-dessus : "le devoir du scout commence à la maison"
Croyez-moi ou pas, mais à la fin des années trente, représenter une bande d’adolescents maîtres de leur destin, c’étaitloin d’être vieille France ou compassé, loin des barils de moraline déversés sur une littérature de jeunesse édifiante et castratrice. C’est la grande cousine vieille fille de Rémi de Terny, cette nouvelle mère Mac Miche, celle qui le garde sous clé, qui représente la littérature de jeunesse de l’époque. Elle voudrait que Rémi soit un personnage de cette littérature-là, qui fait son lit, soigne son « devoir d’état », met le couvert le soir, a des bonnes notes, dit bonjour à la dame et, s’il a été sage, est autorisé à faire une chaste partie de ballon au square avec un de ses amis bien comme il faut dont on connaît les parents. Avec les mains seulement, le ballon, le foot c’est pour les voyous.
Ci-dessus : elle est belle, la vieillesse!
Dalens a donc cette autre qualité, celle de prendre les jeunes au sérieux, même si c’est pour leur raconter de trop belles histoires ou des préfaces ambigües. Comme tout auteur exprime toujours un peu son époque et son milieu, les jeunes que Dalens a pris au sérieux habitaient les quartiers bourgeois de Paris. L’auteur évitait ainsi de parler de ce qu’il ne connaissait pas ; et qui dirait que les jeunes de la bourgeoisie n’ont pas besoin d’être considérés autant que les autres ?
Ci-dessus : le coup de foudre
Une amitié passionnée
Autre qualité encore, qui est une surprise pour un roman de ce milieu et de cette époque, c’est l’intensité affective qui unit Eric et Christian. Sur le quai de la gare, c’est déjà presque le coup de foudre à l’envers. Ils s’impressionnent. Ils n’osent pas trop. Et pour cause, l’un doit tuer l’autre. Trois ou quatre ans plus tard, ils sont pratiquement inséparables. Un critique le regrettait presque : « ce n’est que chevauchées et parties de voile ensemble ». Christian fait un ulcère à l’idée qu’ils ne feront pas la guerre ensemble. Et finalement si. Pas d’Eric sans Christian et sinon, une lettre par jour.
Lorsque Christian est fait prisonnier et emmené en Allemagne, que représente l’illustration voisine ? Le souvenir des camps d’été avec Eric. Le choc de la disparition sera tel, en fait, que Christian ne se mariera jamais, vouera toute sa vie à l’armée puis au renseignement militaire, cherchera les endroits les plus dangereux (l’Indochine dans Les Fils de Christian) et forcera même Dalens à écrire un mauvais polar, L’affaire Balzac. Après la mort d’Eric, c’est un peu Christian La Lose. Il n’est plus complet, il ne sait plus après quoi il court.
On imagine les autres scouts de La Tache de Vin en train de les désigner. « Tu sais qui c’est, ceux la ? C’est Eric et Christian. – LES Eric et Christian ? Ceux du roman ? – Ben oui mon pote. » La collection Signe de Piste, toujours férue d’auto-citation, aurait adorée. Quel autre roman de la même époque a parlé d’amitié d’une manière aussi marquante ?
Ci-dessus : star system
Rédigé à 21:19 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Et maintenant, après avoir soufflé le froid, voici le chaud. Premier d'une série de 4.
Le remplaçant
Dans un billet précédent, j’ai exposé les raisons pour lesquelles la série des Prince Eric ne peut pas être classée dans la « littérature catholique » (ou chrétienne, peu importe) selon l’acception qu’on donne généralement à cette expression. Au lieu d’en remplir trois pages, j’aurais simplement pu observer que les livres de Serge Dalens se rangeaient d’eux-mêmes dans une des cases de la littérature de genre et donc ne pouvaient prétendre être de la littérature chrétienne qui est implicitement un sous ensemble de la « grande » littérature. Lorsqu’on sait déjà qu’une langouste n’est pas un mammifère, on ne se demande pas si c’est un chien.
Mais cette question de littérature de genre et de sous-culture catho en général (oui, j’avais zappé la référence à Glorious lors de la première lecture et ça vaut mieux comme ça) me fait remarquer qu’en regard de la bibine confessionnelle qui fait accepter au nom de la religion des productions culturelles médiocres, la série Le Prince Eric a beaucoup de qualitésmême si il est facile de la mettre en boîte. Que celui qui a détesté jette la première pierre : je suis pour ma part de l’avis que ceux qui s’amusent des traits caricaturaux de la première saga de Serge Dalens sont les mêmes qui ont passé des nuits blanches pour la lire plus vite quand ils étaient gamins.
Alors oui, Le Prince Eric, en 2011, ça fait un peu vieille France. Oui, le mélo n’en est pas absent, bien au contraire. Oui, on y cite Richepin, et on y flatte Sibelius à cause de Finlandia. Oui, un Poirot-Delpech a pu troller en écrivant qu’on avait du mal à imaginer Eric septuagénaire hésiter à signer le traité de Maastricht. Oui, les opinions y exprimées sur la « drôle de guerre » rappellent un café du commerce militaire. Mais est-ce là la colonne vertébrale des quatre romans ? Au contraire, si on regarde attentivement, si on replace dans le contexte, la série des Eric est quelque chose de très peucompassé, qui regorge de qualités.
Un style au top
La première de ces qualités est l’écriture et la narration. Comme il est courant dans les meilleurs romans de jeunesse, il n’y a pas de gras. De l’action, des dialogues, de l’énergie. Chaque chapitre est un bond vers le dénouement. Et, marque de fabrique de la collection Signe de Piste, du positif : des sourires, de la camaraderie, de la solidarité, de la bienveillance et une inextinguible bonne humeur. Le Prince Eric au ski à Courch’, torse poil, c’est l’éclate totale.
On a pu qualifier la narration de Dalens de cinématographique, surtout à cause du début du Prince Eric où le lecteur se croit à la place d’une caméra qui suit une troïka entrant dans la cour du château de Swedenborg. Le style favorise la visualisation, par le lecteur, des scènes lues. On voit les lieux – et les illustrations y aident –, on imagine les personnages : recours à l’imagination très fécond pour un jeune lectorat. Outre le travelling cité, il faut rendre justice auxflashes-back de Christian dans son oubliette, aux scènes d’action pure (Eric contre le sanglier, la fin de Tadek, les scènes de guerre dans La Mort d’Eric), aux courses-poursuites (Remy qui court après son train, Christian qui cavale après Eric qui cavale avec des idées noires).
Il faut rendre justice enfin au sens affiné du rythme de l’auteur. A l’exception du Prince Eric qui semble souvent trop mou ou trop tendu, les autres volumes alternent admirablement des scènes d’action et des moments de répit, qui sont d’ailleurs très souvent collectifs (un dîner à l’auberge du pont de Gennes, une bière à Berlin en mémorable compagnie, une réunion de patrouille, un convalescent en chaise longue à Birkenwald…). Pas le temps de méditer sur soi !
Pierre Schneider
(à suivre)
Rédigé à 21:17 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Oui, cet Eric-là. Le Prince de Dalens. Pierre Schneider, dont on peut lire la prose dans quelques volumes de l'intégrale Pierre Joubert, a publié récemment sur son blog quelques articles sur le Prince Eric.
Cela commençait par une affirmation un peu trollesque : le Prince Eric, scout... mais pas catho! Le style du Schneider a fait passer le propos, pour certains comme un reproche, pour d'autres comme une raillerie. L'auteur a donc élaboré un peu, rien qu'un peu, et quatre articles supplémentaires ont vu le jour.
C'est la série que nous reprenons ici. Premier épisode : pourquoi le Prince Eric n'est pas catholique. Ou, plus précisément, pourquoi le LIVRE ne peut pas être rangé dans la catégorie "littérature catholique". Il va de soi que nous ne saurions douter de la foi d'un souverain qui guérit les écrouelles ;-)
Le remplaçant
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Un bloggeur dont on peut retrouver le lien ici, au sujet d’une pièce de théâtre devenue soudainement célèbre depuis que la bêtise au front de taureau a fait figure de s’y intéresser, se lamente que notre époque n’ait pas reçu les chefs d’œuvre de la littérature catholique qui ont rehaussé les décennies ou les siècles précédents. Et de citer pour cela Le Génie du Christianisme et Le Prince Eric dans la même phrase. Ouïouïouïe !
Ci-dessus : Chateaubriand, à l'époque où il écrivit Le Prince Eric
Pour Châteaubriand, je ne sais pas et je ne me prononce pas. Celui qui avait affirmé à Dom Guéranger souhaiter être un « bénédictin honoraire » peut peut-être être classé dans la littérature catholique, ou pas. Mais voir dans Le Prince Eric un fleuron de la littérature catholique ne fait pas partie des choses que je m’attendais à lire un jour.
La littérature catholique : ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas
Il faut cerner d’abord ce que peut être la littérature catholique. Certes pas la littérature écrite par des catholiques – sinon ce pécheur génial qu’est André Gide serait le modèle ad vitam aeternam de la, euh, littérature protestante. Ce n’est pas non plus la littérature manipulant des concepts catholiques, faute de quoi toute la littérature en serait, de Baudelaire à Bataille en passant, sans presque exagérer, par Nietzsche. Pensez donc !
La littérature catholique a des frontières floues (Christian Bobin en est-il ? Et Maistre ?) mais on trouve, en son cœur, des auteurs qui posent sur le monde un regard qui est celui du catholicisme et font évoluer leurs personnages dans un milieu où le catholicisme est au minimum mentionné, où il tient un rôle. Le monde est une création. La rédemption est possible. L’homme est marqué par le péché originel. La vie religieuse ou sacerdotale est distinguée du commun. L’évangile, le Christ, l’eglise influent sur la société, ou devraient le faire ; ils sont porteurs de valeurs reconnues en tant que telles. Mieux, la littérature catholique emprunte à tous ces traits selon son équilibre propre.
C’est ainsi, je pense, que Mauriac ou Bernanos (ou Green, ou Péguy) peuvent être appelés des « écrivains catholiques » là où un Baudelaire, malgré ses « litanies de Satan », son obsession du péché, du paradis, se désintéresse du reste du message. Tout ceci est artificiel, je le sais, mais c’est pour tracer des lignes, essayer de mettre un peu d’ordre dans un phénomène dont je ne suis même pas convaincu qu’il mérite d’être nommé. Qui parle encore de Le Clézio ou de Tournier comme « littérature mythique » ? Qui taxerait Bosco de « littérature onirique » ?
Ci-dessus : s'il avait écrit le Prince Eric, le dénoument n'aurait sans doute pas été le même.
Prince Eric : un écosystème catholique avec la foi en option
Ceci étant dit, il est manifeste que Le Prince Eric n’est aucunement de la littérature catholique. Son auteur pouvait être catholique (il l’était), le milieu dépeint (la bourgeoisie du XVIIème et ses scouts) l’était sans doute, certaines valeurs pouvaient être directement empruntées à l’arsenal catholique (la « petite fille Espérance », le pardon, le sacrifice pour ceux qu’on aime)… mais le reste ?
Le catholicisme tient-il un rôle dans Le Prince Eric ? Aucunement. L’aumônier est un grand absent, les mentions de la religion sont très largement circonstancielles.
La vision de Serge Dalens est-elle informée par la théologie catholique ? Voit-il à travers les lunettes du péché originel, de la condition humaine, de la rédemption ? Aucunement. Eric a beau être magnanime avec tout le monde (Tadek, Ralfsen…) cela n’est pas payé de retour, bien au contraire. Tadek finit par être éliminé par un des pages après le complot de trop. La guerre de 40 n’est jamais appréciée comme conséquence du péché originel, mais bien de la folie et de l’irresponsabilité des politiques. Eric qui sauve Christian dans le Bracelet de Vermeil, ce n’est pas la rédemption mais le pouvoir de la volonté ; ce n’est pas le péché qu’on combat mais les traditions ancestrales mortifères. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
Ci-dessus : Waldenheim va torturer Christian d'Ancourt pour lui faire avouer l'emplacement du monastère trappiste le plus proche
Les rares passages politiques de la saga de Dalens sont là pour vitupérer Paul Reynaud et sa clique : on est loin de l’instauration du règne du Christ dans la société. Dans La Mort d’Eric, c’est la figure même du civil qui disparaît pratiquement : les seuls hommes debout, ceux qui savent ce qu’il faut faire, ceux qui se comprennent entre eux par-dessus les politiques, par-dessus les camps, ce sont les militaires. Ils occupent tout l’écran, jusqu’en juin 40 en tout cas, où leur effondrement est mis en scène avec le départ de Christian d’Ancourt comme prisonnier de guerre. Et la « petite fille Espérance », pardon de le faire remarquer, est singulièrement absente !
En réalité, si Le Prince Eric peut passer pour de la littérature catholique, c’est qu’il met en scène un écosystème catholique, quelque chose de culturel mais dont les liens avec la foi restent incertains. Il est question de scouts, de bourgeoise, d’aristocratie aussi, beaucoup même. Il y a un protonotaire apostolique dans la Tache de Vin mais c’est undeus ex machina, la référence culturelle suprême de la vilaine cousine dont la seule utilité est de débloquer une situation. Il est question d’armée et, quand il n’y a pas d’armée, il est quand même question d’uniforme. Il est question d’ors et de tentures, de protocole, de principautés, de palais, de patriotisme : tout cela, c’est du décor. Ce qui détonne fortement dans ce décor, c’est, d’une part, l’irruption invraisemblable d’un prince norvégien, d’autre part l’accent mis durant toute laTache de Vin sur l’enfance maltraitée : en 1938, on ne peut pas dire que c’était un sujet à la mode.
L’adolescent idéal, modèle 1939
En réalité, la patrouille des Loups passe son temps à faire des randonnées, des voyages de première classe, du cheval, de la voile, des explorations de souterrains, du traîneau, du bateau, des via ferrata. Au passage, elle sympathise avec des jeunesses hitlériennes. A la fin, elle joue à la guerre. Eric voudrait bien faire pareil mais son métier l’en empêche la plupart du temps. Il est un peu comme ces enfants-stars d’aujourd’hui : une fois les caméras éteintes, les activités d’un gamin normal.
Pour Serge Dalens, les activités d’un gamin normal, c’était de se dépenser, de se défouler, de s’aérer avec d’autres jeunes du même âge, de picoler et de fumer en cachette (voyez les Chat-Tigre !) et de faire moisson de souvenirs etd’amitiés. La messe ? La prière ? La retraite à Notre-Dame des Neiges? Des hypothèses dont je n’ai pas eu besoin, sire. Remi de Terny, le gosse maltraité de la Tache de Vin, vit l’exact opposé : une vieille cousine qui pique, confite en dévotions, et une chambre fermée à clef. La récitation du rosaire entre rombières, c’est le mal.
Ci-dessus : il a fait grasse matinée dimanche dernier : la punition est immdiate
Tout cela s’applique à la série d’origine, qui se termine en 42 avec La Mort d’Eric. Il faut néanmoins souligner que lesdeux volumes postérieurs, où Dalens revisite et précise son mythe, ont une autre tonalité, beaucoup plus dévote. On cite des encycliques. On brancarde à Lourdes avec les Foulards Blancs. On va même jusqu’à toucher les écrouelles – toutes choses que l’Eric de 1940 n’aurait jamais faites, ou que Dalens n’aurait jamais eu l’idée de rapporter.
Mais quoi ! Quarante ou cinquante ans s’étaient écoulées depuis les livres originaux, Dalens avait probablement changé, faisait s’ouvrir La Blanche dans le monastère bénédictin de Randol, avait rédigé une (superbe) vie romancée de Saint Tarcisius. A la fin des années trente, il n’en était pas de même, et les Eric qui sont lus aujourd’hui sont ceux de cette époque.
Le prince n’avait pas besoin de guérir les lépreux ou de donner des gages de sainteté : il lui suffisait d’être beau sur la photo officielle et réservé jusque ce qu’on attendait de lui. Le catholicisme de ces quatre romans directs qui sont la saga authentique est surtout une affaire de décor, de milieu, de culture – et en fin de compte d’exemplarité. Tout comme il s’agissait d’être un soldat courageux et intègre en 1940, l’Eric des années précédentes, celui qui ne faisait pas encore pleurer les minettes, était un modèle de garçon de son âge. Un Georges Ferney pourra enfermer ses personnages dans une bibliothèque. Le garçon exemplaire modèle 1938 de Dalens, lui, n’était ni un intellectuel ni un religieux, c’était un adolescent énergique, aventurier, affectueux parfois, souriant toujours, sociable, voyageur, dépourvu de préjugés.
En d’autres mots, si le Prince Eric est scout jusqu’à la moelle, avec les défauts agaçants des scouts que sont l’absence de vie intellectuelle et spirituelle, il n’est pas pour autant un exemple de littérature chrétienne ni catholique, pas plus que l’immense majorité du Signe de Piste, d’ailleurs.
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C’est possible, du moins de voir son sosie, dans « Les fautes d’orthographe », sympathique film de J-J Zilbermann, (petits et grands drames de l’adolescence dans un internat des années soixante-dix). Pour les intéressés, voici le minutage des scènes dans le DVD, (attention, son intervention ne dure parfois que quelques secondes) :
46’ 50” : le garçon aux longs cheveux bruns ; gilet gris, chemise foncée.
48’ 26” : en pyjama bleu clair, à droite.
1 h 12 min 44 s : idem, dans la file d’attente ; se plaint de la faim.
1 h 21 min 28 s : en gilet gris de nouveau ; s’adresse vertement au directeur.
1 h 22 min 30 s : secoué par le directeur, il appelle à la révolte.
Édifiant ! L’auteur a reconnu « son » Tim Perrinn sous les traits du jeune acteur, alors que la rédaction du roman avait déjà commencé.
Où trouver des décors naturels qui rappellent ceux du Continent secret ?
En allant visiter des grottes ! Elles ne sont pas aménagées comme celles du Continent, bien entendu, mais on peut quand même avoir une idée tout en faisant une balade intéressante. Une bonne idée d’excursion, notamment en été !
Sur www.grottes-en-france.com on trouve la liste des grottes et gouffres de France, avec cartes, illustrations, explications et commentaires. Site bien fait ; à voir !
Un destin extraordinaire ? C’est ce qui est suggéré dans la présentation du roman.
Et c’est exact, comme on le voit dans le premier volume : Un garçon de 13 ans descend dans le continent souterrain, ignorant qu’il va sauver la population d’un grave danger. Cela dit, par la suite, Tim Perrinn découvrira progressivement que sa mission est loin d’être terminée, contrairement à ce qu’il croyait.
En effet, les habitants du continent sont les descendants des Pionniers qui s’étaient installés dans des grottes secrètes pour fuir les tyrans, les guerres, les injustices, la misère et la corruption, mais aussi pour s’en aller dans un autre monde…
Un autre monde ? Mais où ?
Tim ne le comprendra pas tout de suite, mais un jour, avec ses amis, il découvrira que le Continent est plus grand qu’il ne le croyait. Cela n’est rien encore !
Les Untra vivent en paix et en sécurité dans leur monde souterrain plutôt douillet, attrayant et d’une grande beauté. Oui, mais ils développent patiemment leurs sciences et leurs techniques en vue de vivre encore mieux dans un monde encore meilleur, loin, très loin…
Et c’est Tim Perrinn qui porte le secret sans le savoir. Mais le vieux Levent est là pour le guider, depuis sa petite maison savoyarde.
Ah ! Je ne peux pas tout dire, sauf que…
Dans toute l’histoire de l’humanité, jamais un garçon si jeune n’aura porté le destin de tout un monde sur ses épaules. Et quel destin !
Tim Perrinn, Harry Potter et Cie.
Grand amateur de romans d’aventures, Tim a lu toute la série de Mrs Rowling, bien sûr ! Mais aussi les œuvres de Tolkien, Mark Twain, Jules Verne, Serge Dalens, Foncine, et bien d’autres encore. Normal, pour un garçon prédestiné à vivre l’aventure que nous connaissons !
Modeste, réaliste, Tim n’a pourtant jamais pensé une seconde qu’il accomplirait des exploits et des prouesses comme l’ont fait avant lui Harry, Frodon, Éric, Tom, Huckleberry et autres héros connus et appréciés dans le monde entier. Parfois très différents les uns des autres de par leur situation, leur rôle, leur époque, etc., ils ont en commun la fascination exercée sur nous, les lecteurs, jeunes et moins jeunes. Tim les estime vraiment et comme bien d’autres lecteurs, il se plaît parfois à rêver qu’ils sont ses compagnons de route, ses amis.
Tim me prie de vous dire qu’il ne cherche pas un instant à se mesurer à eux. Au contraire, il s’incline. Mais moi, je peux vous annoncer que ce qu’il va accomplir par la suite est immense, étonnant, et que ce sera souvent difficile, ingrat et déroutant. Pensez aux héros que vous connaissez : ne passent-ils pas tous par une phase de souffrance avant d’atteindre les sommets ? N’est-ce pas là la voie de tous ceux qu’on appelle un peu naïvement pour les uns, mais très justement pour les autres, les cœurs purs ?
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À deux reprises, Tim explique que c’est dans les romans qu’il a appris des « combines » et autres astuces pour se tirer d’affaire en cas de difficulté et même de danger. Souvenez-vous : La scène où Tim est en cellule ; il pense à un héros de roman qui arrive à surmonter l’épreuve de l’enfermement. Et enfin la scène avec les mineurs et les Shift, qui soupçonnent Tim et Kev de vouloir entrer dans les mines sans raison valable. Tim berne les hommes sans sourcilier, devant un Kev effaré, à qui il expose ensuite l’utilité des histoires racontées dans les livres.
Je me souviens d’un professeur qui disait à peu près ceci à ses élèves : « Celui qui a lu quantité de romans d’aventures a bien plus de chances que les autres de se tirer des situations délicates. »
Comment Tim fait-il pour comprendre et parler si rapidement l’intiven ?
Il a étudié le latin pendant deux ans et se débrouille correctement en anglais et en allemand. Or en intiven, de nombreux mots ont des racines latines et anglo-saxonnes. D’autre part, sachant qu’il parle français, la plupart des Juvéniens et des Untra glissent des mots français dans leurs phrases quand ils s’adressent à lui, même s’ils les déforment un peu. Enfin, l’admiration de Tim pour le Continent et ses habitants facilite un apprentissage rapide.
Encore un peu d’intiven !
D’abord, l’origine du nom de cette langue : Intérieur (le monde souterrain), union et invention.
Maintenant, quelques tournures courantes :
Je m’appelle Lucas : il n’y a pas de verbe « s’appeler », ni de verbe « être », alors on dit tout simplement Lucasem, « em » étant le suffixe de la 1re personne.
J’ai 15 ans : 15 + ans + radical d’avoir + suffixe 1re personne, soit « dekapenntaaronnem ». Mais les nombres se disent de plusieurs manières… Nous y reviendrons. Aar signifie an, année, fleuve et rivière.
Je suis + adjectif ou nom : adjectif ou nom + suffixe « état ».
Exemples : Je suis jeune = yukem. Il est vieux = germett.
Prononciation de l’intiven.
Chaque lettre compte ; par exemple, « un » se prononce « oun ».
Voyons les cas particuliers :
Ä = è. E = è dans un mot, é en finale. U = ou. Ü = u. ö = eu.
G = gue. Qu = kv. S = ss. W = v.
Eu = œil.
H n’est pas prononcé et ne sert qu’à séparer les lettres pour faciliter la lecture, comme dans « loha ! » (salut !).
Une drôle de société !
C’est ce qu’on peut dire à propos de Juvenia, en effet, si l’on pense que les Jeunes se sont révoltés pour instaurer un régime bien particulier, dont précisément leurs ancêtres, les Pionniers du monde souterrain, ne voulaient plus ! Un système où les filles n’ont guère droit à la parole, où la milice des Tankews est toute puissante, où le prince a un pouvoir plus symbolique que réel !
Tim et Alison se rendent compte de ces anomalies, même s’ils ne le formulent pas clairement. C’est douloureux, pour eux, car en même temps, ils admirent Juvenia pour la magnificence de son décor et le bon esprit de ses habitants, y compris les redoutables Tankews, plus fanfarons que réellement méchants.
L’ouverture de la Grande Frontière sera le signe du retour au calme.
Le Continent secret et les adolescents.
Un jeune Lyonnais m’a demandé si le roman ne cachait pas une sorte d’analyse de l’adolescence, une thèse, si l’on veut. La question n’est pas bête et m’oblige utilement à m’interroger sur l’histoire de Tim.
En effet, on pourrait considérer que la révolte et la capitulation des Juvéniens illustrent le chemin que tous les adolescents, ou presque, empruntent vis-à-vis de leurs parents et des adultes d’une manière générale. De là, Tim représenterait l’adolescent déjà mûr qui invite ses semblables à entrer dans la ronde de la vie adulte. En réalité, tout n’est pas si simple : Tim se rebiffe aussi contre les autorités d’Untrawort, au début. Mais le point essentiel à mes yeux est ailleurs et la société que Tim admire sincèrement n’est pas comparable à la nôtre. En effet, à Untrawort, une fois la paix revenue, les différences entre les Untra n’ont plus d’importance : âge, sexe, métier, occupations, origines ethniques, etc.
Une thèse ? Non. Une invitation, plutôt : Que les Jeunes et les Vieux cessent de se prendre mutuellement pour des imbéciles. Dans l’une de ses chansons, Georges Brassens utilisait un mot plus court et plus percutant…
Liens entre les jeunes du Continent secret.
Tim et Alison apprécient le fait que les Juvéniens – ensuite tous les Untra – lient rapidement amitié, une amitié naturelle, spontanée et sans manières. On sait aussi qu’Alison et Kar sont très attachés. On peut donc se demander pourquoi le garçon accepte si facilement qu’Alison parte pour notre monde en tenant Fregde par la main. Cela s’explique : Kar et Alison partageaient des sentiments affectueux tout à fait courants entre Jeunes du Continent, tandis que Fregde et Alison découvrent ce qu’ils n’osent pas encore appeler amour, avec prudence, patience et sagesse mêlées. Généreux, désintéressé, Kar ne peut que s’en réjouir, comme tous les Untra sans exception. Encore une caractéristique du Continent secret !
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